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Portrait du libraire Fourel Sylvain

Portrait réalisé le 15/02/2013

Portrait de Sylvain - La Voie aux chapitres

Sylvain Fourel nous a reçu dans sa librairie, La Voie aux chapitres, qui a récemment bénéficié de travaux d'agrandissement. Il revient avec nous sur son parcours et celui de sa librairie.

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La Voie aux chapitres

location_on 4 rue Saint-Jérôme - 69007 Lyon

phone 04 37 70 41 62

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Rencontre avec Sylvain Fourel

Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours professionnel et vos motivations à devenir libraire ?

Devanture de la Voie aux chapitres en 2013

Devanture de La Voie aux chapitres en 2013 © Chez mon libraire

Je suis devenu libraire parce que je n'aimais pas lire. Cela peut ressembler à une « private joke », en tous les cas c'en est devenu une entre Geneviève Berthezène et moi, car c'est en effet un peu comme ça que cela s'est passé.

Fraîchement arrivé de ma Drôme natale pour poursuivre des études à la fac, ma rencontre avec le campus de Bron a rapidement interrompu mes espoirs et mes ambitions. En revanche, il existait depuis un an sur ce campus, un havre de lumière et de chaleur qui s'appelait la librairie Berthezène. Comme beaucoup d'étudiant·es un peu perdu·es, j'y ai pris des habitudes et j'ai rapidement sympathisé avec la gérante que j'ai proposé d'aider plutôt que d'aller en cours. Très vite est née une amitié, et moi qui ne bouquinais que par nécessité, j'ai découvert grâce à la librairie de Geneviève, un univers insoupçonné.

Quelques années plus tard, lorsque cette librairie a commencé à bien fonctionner, elle m'a proposé de travailler avec elle à mi-temps. Je mesure aujourd'hui le bagage indispensable, et inestimable, qu'elle m'a apporté pour ouvrir la voie (aux chapitres). À sa fermeture, en 1999, j'ai attendu 2 ans avant de retrouver un lieu dans lequel je pourrais me sentir à nouveau libraire. Ce fut la Librairie du Tramway avec Anne Castinel et Nathalie Bertin. Puis en 2005, je m'orientai définitivement vers ce métier en rejoignant la librairie Passages et son équipe. Ma collaboration avec Laurence Quenard et avec Françoise Charriau ont fini de parachever ma formation. Je pense même que Françoise en est la clef de voûte.

Quand avez-vous créé « La Voie aux chapitres » et pourquoi opter pour une petite librairie dans ce quartier précisément ?

Première pièce de La Voie aux chapitres en 2013

Première pièce de La Voie aux chapitres en 2013 © Chez mon libraire

J'ai eu deux projets en fait, dans deux quartiers qui m'étaient familiers et dans lesquels il me semblait que la proposition en matière de livres était insuffisante. Mais après près de deux ans de recherche de locaux (les montants des droits au bail étant exorbitants), j'étais en train d'abandonner l'idée.

Ouvrir une librairie ne m'était pas indispensable, c'était une façon d'évoluer, et je me disais qu'il pouvait y en avoir d'autres. En revanche, il était hors de question de m'endetter personnellement pour ce projet car je connaissais bien les réalités économiques de ce secteur. Emprunter 70 ou 100 000 euros pour un droit au bail ne me paraissait pas raisonnable. Et puis j'ai trouvé ce local, rue Saint-Jérôme, et ce fut la première (et la dernière) fois que tous les critères concordaient et entraient parfaitement dans mon prévisionnel. L'emplacement (qui est primordial) est idéal et cette partie de la Guillotière est entrée, comme je le pensais, dans une mutation et un dynamisme tout à fait passionnant.

Quel est le positionnement de votre librairie ?

Mon profil de libraire est exclusivement généraliste et indépendant. Je crois que la librairie me ressemble de ce point de vue. Les librairies Berthezène, Tramway, Passages m'ont inculqué cette « culture » du libraire généraliste.

Vous vous êtes engagé récemment dans des travaux d’agrandissement. Pourquoi ?

Quand j'ai créé la librairie, je n'ai aménagé qu'une partie de la surface dont je disposais, soit un peu plus de la moitié. J'utilisais l'autre partie pour accueillir des rencontres d'auteur·rices, des expos, des ateliers. Le local était de toute façon séparé en deux, voire même trois parties distinctes.

Cela m'a permis dans un premier temps de ne pas trop investir dans l'aménagement, de travailler seul la première année, et de voir également où ce projet me menait. Évidemment sur 42 m2, une proposition de librairie générale, c'était un peu petit, mais cela m'a obligé à être tranché dans mes choix et à donner une identité forte à ma librairie. J'avais notamment éliminé des rayons déjà représentés par d'autres libraires dans la zone de chalandise, tels que la BD et la SF.

Pour l'agrandissement, j'aurais pu attendre encore un peu, mais j'ai préféré le faire coïncider avec la fin des études de Léa Savoyat, apprentie INFL, que j'avais pris en alternance au début de la 2e année. Comme nous nous sommes bien entendu·es et qu'elle correspondait à l'esprit du lieu, je me suis dit qu'à l'issue de sa formation, utiliser cet espace supplémentaire pouvait m'aider à payer son salaire.
Nous avons également à nouveau une apprentie en alternance.

Avez-vous bénéficié de certaines aides dans le cadre de ces travaux d’agrandissement ?

Espace jeunesse de La Voie aux chapitres en 2013

Espace jeunesse de La Voie aux chapitres en 2013 © Chez mon libraire

Lors de la création, nous avons sollicité trois aides financières potentielles, seules deux d'entre elles se sont engagées avec nous. Avec 3 ans d'activités, il m'a été plus facile de demander de l'aide et sur les 5 partenaires que nous avons cette fois sollicités, les 5 ont répondu favorablement.

Je peux dire que j'ai passé un temps fou sur les dossiers mais j'avais plus de crédibilité et le jeu en valait la chandelle. Je me suis donc permis d'inclure dans le projet d'agrandissement tous les travaux que je m'étais dispensé de faire à la création par souci d'économie. Nous avons par exemple recarrelé toute la librairie.

Avez-vous rencontré des difficultés lors de la mise en œuvre de votre projet ?

Non, à part qu'on transpire beaucoup quand il faut coordonner tout à la fois les engagements vis à vis des entreprises, les attentes d'engagements de cinq financeurs, les plannings de chaque corps de métier, les vacances d'été, l'envoi des commandes d'implantation, etc. Avec cet impératif de pouvoir accueillir le public le 1er septembre !

Quel bilan faites-vous quelques mois plus tard et quels sont les retours de vos client·es ?

La librairie telle qu'elle est aujourd'hui est un espace très agréable, et cet agrandissement est un prolongement naturel de l'aventure initiée en 2009. Il était déjà prévu dans ma tête, à plus ou moins long terme.

Nous n'avons pas créé de rayons à proprement parlé, nous avons juste développé l'existant. En 3 ans, je crois que nous avions eu le temps de créer une logique, une adaptation de nos envies aux attentes de la clientèle qui nous a suivie.

Les retours sont très positifs. Le confort de l'espace de rencontres en a un peu pâti ; il faudra donc se réadapter. J'ai eu la chance par contre de retrouver les mêmes artisans qu'à la création, ce qui, je crois, contribue au fait que les deux espaces se sont bien fondus l'un dans l'autre, qu'on ne sent pas qu'il y a eu deux espaces, et donc deux histoires.

Auriez-vous des conseils à donner à des consœurs et confrères pour ce type de réaménagement ?

Intérieur de La Voie aux chapitres en 2013 © Chez mon libraire

Garder son sang-froid et bien calculer son coup. Ne pas être impatient·e et sentir les moments favorables et opportuns. Bâtir pierre par pierre son projet sans se presser. Ce genre d'opération, même bien accompagné·e financièrement, constitue inévitablement un risque.

C'est vrai que j'ai eu la chance de pouvoir développer cette librairie en deux temps en ayant d'entrée de jeu un espace suffisant. Pour cela, je dois remercier Maya Flandin (Vivement Dimanche) puisque c'est elle qui m'a soufflé cette idée. Une fois la base solide j'ai pu construire le reste.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Sans travaux... quel pied ! Là je suis arrivé au bout de mon aménagement et j'en suis plutôt satisfait.

La proposition sur 70 m2 couvre une grande part de la demande dans le quartier et nous avons devant nous de quoi nous faire plaisir. Évidemment, la conjoncture économique vis-à-vis du livre n'est pas très joyeuse, mais ce n'est pas une raison pour abandonner ce métier, la richesse culturelle de nos lieux, les compétences et la foi des gens qui y travaillent. Si demain, la librairie ne nous fait plus vivre, et bien je ne serai pas le seul à fermer boutique. Ce sont alors les mutations du rapport humain-livre qu'il faudra interroger, et il faudra imaginer autre chose.


Propos recueillis par Libraires en Rhône-Alpes - Février 2013

La Voie aux chapitres
Année de création : 2 Septembre 2009
Surface de la librairie : 70 m2