Portrait du libraire Alexandra et Rémi

Portrait réalisé le 21/10/2021

Portrait d'Alexandra et de Rémi - Librairie de Paris

Indépendante depuis sa création en 1961, la librairie de Paris est située dans le cœur de Saint-Étienne. Reprise il y a quelques années par Alexandra Charroin Spangenberg et Rémi Boute, elle est plus que jamais un espace de découverte et de rencontres. Entourés par une équipe de passionnés de livres, ils fêtent cette année les 60 ans de la librairie. À cette occasion, nous vous proposons de partir à la rencontre de ces libraires stéphanois.

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Librairie de Paris Saint Etienne

location_on 6 rue Michel Rondet - 42000 Saint Etienne

phone 04 77 49 21 21

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Rencontre avec Alexandra Charroin Spangenberg et Rémi Boute

Une présentation s'impose. Pourquoi votre librairie située à Saint-Étienne s'appelle-t-elle la Librairie de Paris ?

Alexandra Charroin Spangenberg : À sa création en 1961, les propriétaires se sont installés dans un ancien dépôt Hachette de distribution de livres en région. Nos plus anciens clients nous connaissent d’ailleurs sous ce nom. C'était également un dépôt de presse en région qui servait les maisons de presse des alentours. Pour montrer que c'était une librairie importante – les livres et les journaux venant de Paris - elle s'est appelée ainsi !

Cela fait 5 ans qu’avec Rémi, nous l’avons rachetée. Nous nous étions posé la question de changer le nom car il est vrai que « Librairie de Paris à St-Étienne », cela ne veut pas dire grand-chose. Ce n’est ni très original ni très joli... Cependant, tous nos clients connaissent la Librairie de Paris sous cette appellation-là, elle fait partie du paysage. Nous en avons conclu qu’il n’était pas prudent de changer de nom.

Aujourd'hui, l’effectif de la librairie est de 30 personnes. La librairie s'organise autour de 3 activités principales : la librairie traditionnelle qui se déploie sur 900 m2, la presse et l’activité de grossiste. En effet, nous vendons des livres à des maisons de presse un peu partout en France. Ces 3 activités existent depuis les origines et se développent de façons différentes depuis que nous sommes arrivés.

Depuis 1961, la librairie s'est beaucoup agrandie. Les derniers travaux ont eu lieu en 2013 avec l'aménagement de la très belle salle des voûtes que nous avons réaménagée en 2017. Nous avons en prévision quelques travaux… parce que la librairie a 60 ans et qu’elle est toujours dans son jus.
Nos rayons les plus porteurs sont le rayon littérature et le rayon bandes dessinées. Nous avons en moyenne 60 000 références en rayon sur près de 900m2 de surface de vente ! Nous sommes labellisés LIR depuis 2013.

Comment êtes-vous arrivés dans le monde du livre ? Devenir libraire a toujours été une évidence pour vous ?

Alexandra : Je suis devenue libraire complètement par hasard. Mon parcours scolaire ne me destinait absolument pas à le devenir. Après mes études, j’ai réfléchi à ce que je voulais vraiment faire. J’ai envoyé des CV un peu partout dans le milieu culturel et j’ai eu la chance d'être recrutée par la Fnac de Saint-Étienne. Grâce au responsable de la librairie et à des collègues formidables, j’ai énormément appris sur le métier. C’est à ce moment-là que j’ai su que c’était le métier de libraire que je voulais exercer mais pas dans ces conditions-là. Je n’ai pas aimé notamment le fait que les achats soient pilotés depuis Paris. J’ai poursuivi mon parcours en travaillant dans d’autres librairies dont la Librairie de Paris et j’y suis revenue au moment de la racheter.

Rémi Boute : Je suis incapable de vendre autre chose que des livres ! Il faut dire que j’ai usé mes guêtres dans cette librairie dès l’âge de 12 ans... Elle fait partie de ma vie.

Il y a 5 ans, alors que j’étais librairie, responsable du rayon bandes dessinées, l’ancien dirigeant de la Librairie de Paris m’a informé de son projet de vendre la librairie, avant de me proposer, quelque temps plus tard, de la reprendre. Je me suis dit que je ne pouvais pas me lancer dans cette activité seul. J’ai donc proposé à Alexandra, une amie de plus de 20 ans, de me suivre dans l'aventure. On s’est dit que si on ne la tentait pas, on allait le regretter toute notre vie. Nous la dirigeons maintenant tous les deux. Pour nous, être associés est un véritable avantage. Nous avons un but commun et savons très bien où nous allons et ce que nous voulons faire pour cette librairie. En cas de coup dur, il y en a toujours un pour épauler l’autre.

Faire fonctionner une librairie de cette taille exige une grande organisation. Comment gérez-vous le personnel ?

Alexandra : Comme je peux ! Lorsque nous avons repris la librairie avec Rémi, nous étions libraires et non chefs d’entreprise. Ce fut une grande découverte, même si nous nous étions un peu préparés. Nous avons su nous entourer de personnes compétentes et nous avons suivi des formations. Nous apprenons au quotidien et nous nous remettons en question en permanence.

Nous avons la chance d’avoir une équipe de professionnels passionnés en place, pour la plupart depuis longtemps, et très impliqués dans leur métier. Il est très confortable de savoir que nous pouvons compter sur eux.

Même si la gestion d’une équipe nombreuse n’est pas toujours simple, je place l’humain au cœur de notre projet.
Notre plus grande force reste la qualité et les compétences de nos libraires. Vu la taille de la librairie, mon équipe est plus en contact avec les clients que moi. Mon rôle est de faire en sorte qu’ils aient les moyens nécessaires pour faire leur métier du mieux possible et leur donner envie de se lever chaque matin pour venir travailler ici.

Images de la Librairie de Paris

La gestion du personnel occupe la moitié de mon temps de travail : gérer les ressources humaines et l’administratif qui en découle, discuter avec l’équipe, donner des objectifs, informer de nos projets, écouter leurs suggestions. Nous travaillons beaucoup comme cela. Nous ne voulons plus d’un management paternaliste où le patron donne, seul, les ordres et les idées.

Parfois, il y a des moments plus difficiles que d’autres mais nous avons aussi de belles surprises. Le confinement a montré, s’il fallait encore des preuves, que nous avions une équipe très motivée et dévouée à la librairie, répondant présent et sachant ne pas trop s’angoisser. La librairie indépendante, c’est l’humain avant tout.

Comment le métier de libraire a-t-il évolué au cours de ces dernières années et comment l'imaginez-vous dans 10 ans ?

Alexandra : Je ne sais pas s’il a autant évolué que cela. Notre rôle est toujours d’être des passeurs de textes entre un auteur, l’éditeur et le lecteur final. Notre travail c’est de réussir cette alchimie. Et je ne suis pas certaine que cela ait changé. Notre vocation ultime est de rendre un lecteur heureux. Notre rôle est mettre en relation des livres et des lecteurs, de faire en sorte que ces derniers sortent de chez nous heureux, en ayant fait de belles découvertes ou en nous en ayant fait faire.

C’est plutôt notre façon de nous adresser à nos clients qui évolue. On doit s’adapter aux changements, aux désirs des nouvelles générations. Il faut savoir s’intéresser aux jeunes et aux moins jeunes. Aujourd’hui, il faut davantage passer par les réseaux sociaux et les nouveaux modes de communication numérique pour toucher nos clients, avec par exemple des vidéos humoristiques, ce que savent très bien faire certains membres de l’association !

Être libraire, c’est un métier d’équilibriste : équilibre financier, équilibre humain, équilibre dans les mises en avant de livres. Il faut toujours avancer.

Et demain est-ce-que ce sera si différent d’aujourd’hui ? Après le confinement, nous avons constaté que les gens voulaient plus de contacts, plus de liens, plus de chaleur humaine, plus de proximité, plus d’indépendance d’esprit, plus d’innovation et de curiosité etc. Toutes ces valeurs sont celles que la librairie indépendante porte depuis toujours. Nous redevenons à la mode et nos valeurs sont redevenues tendance. J'espère que cela va durer, que les clients vont continuer à se dire qu’ils ont besoin de proximité, de contacts et pas seulement d’être derrière un écran toute la journée à commander les livres médiatisés.

La relation avec votre clientèle a-t-elle changé depuis la crise ?

Alexandra : La crise sanitaire a rappelé aux gens qu’ils nous aimaient, même s’ils ne nous le disaient pas forcément, prenant pour acquis le fait que l’on serait toujours là. Or, nous sommes fragiles. Sans nos lecteurs, nous ne sommes rien. J’entends aussi moins souvent « Puisque c’est comme ça, je vais commander ce livre sur Amazon » mais plutôt l’inverse : « Je viens chez vous car je ne veux pas commander sur Amazon »... Est-ce que cet engouement va durer ? Je ne sais pas, je le souhaite, évidemment.

La crise a aussi changé l'image de la libraire véhiculée par les médias. Les élus se sont aussi mobilisés pour nous. Si l'on prend l'exemple de la loi sur les frais d'expédition (1), elle était dans les cartons depuis longtemps. Il a fallu la crise Covid pour qu’elle soit votée. La crise a prouvé que nous étions très résilients, que nous sommes capables de nous adapter à des circonstances difficiles car nous savons réagir vite. Nous côtoyons le public au quotidien et comprenons leurs besoins. Nous ne serons jamais des leaders du e-commerce et ce n’est pas notre désir.

Ce qui a fait aussi évoluer les comportements, c’est la création du Pass Culture (2). Nous voyons dorénavant arriver des jeunes qui ne venaient jamais en librairie. Le Pass Culture - en ne prenant pas en charge les commandes par internet - les incite à aller en librairie. C’est une bonne chose ! Ces jeunes sont parfois très surprenants dans leurs goûts et ont une culture qui leur est propre et qui est plus qu’admirable. Il faut arrêter de les voir comme des idiots, ils sont l’avenir de notre monde et nous pouvons être rassurés. Auparavant, ils venaient uniquement en librairie pour acheter un livre qui leur avait été prescrit par leur enseignant. Aujourd’hui ils achètent des « livres plaisir ». Avec le Pass Culture, c’est une belle relation qui se met en place entre le libraire et le jeune. Nous prenons le temps d’échanger avec eux, de rire. C’est peut-être un grand tournant, c’est ce qui va changer notre clientèle de demain et nous permettre de continuer à exister aussi.

La loi Lang sur le prix unique a fêté ses 40 ans cette année. Qu'est ce que cela représente pour vous ?

Alexandra : En premier lieu, je remercie mes prédécesseurs qui se sont battus pour que cette loi existe. C’est grâce à eux que je peux aujourd’hui faire vivre une librairie indépendante de 30 personnes et qui répond aux besoins de dizaines de milliers de clients chaque année. La loi Lang c’est le fondement même de notre métier ! Espérons que cette loi ne soit jamais abrogée.

La librairie a été classée comme un commerce de première nécessité. Le livre est un bien culturel essentiel. Surtout dans des périodes aussi difficiles que celle que nous traversons, où l'on voit certains s'affronter sur les réseaux sociaux. Les livres peuvent vraiment contribuer à la reconstruction du vivre ensemble.

Livres préférés d'Alexandra de la Librairie de Paris

(1) Proposition de loi « visant à conforter l'économie du livre et à renforcer l'équité et la confiance entre ses acteurs », dont une des mesures consiste à instaurer une grille tarifaire unique pour les envois de livres.

(2) Le Pass Culture s'adresse à tous les jeunes de 18 ans et leur permet d'accéder via une application à la somme de 300 € destinée à leur faciliter l'accès à la culture.


Propos recueillis par Chez Mon Libraire – octobre 2021.

Librairie de Paris
Surface de la librairie : 900 m2
60 000 références
Label LIR depuis 2013